LOPPSI : Le Conseil Constitutionnel valide la censure du Net

Paris, 10 mars 2011 – Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision1 relative à la loi LOPPSI. Les sages ont estimé que l'article 4 de la loi, qui met en place la censure administrative du Net au prétexte de lutte contre la pédopornographie, n'était pas contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel n'a pas su protéger les libertés fondamentales sur Internet, au premier rang desquelles la liberté d'expression. L'espoir réside désormais dans les instances européennes, seules à même d'interdire ou à défaut d'encadrer la censure administrative du Net et ses risques de dangereuses dérives.

La LOPPSI empilait des mesures liberticides portant sur les sujets les plus divers. Le Conseil constitutionnel s'est trouvé pris au piège de cette stratégie : il a certes censuré des dispositions à peine imaginables tant elles portaient atteinte aux droits directs des individus. Mais il a laissé passer des mesures plus discrètes ou habillées d'objectifs nobles, dont l'impact sur les libertés est très grave, notamment celles qui concernent Internet.

L'article 4 de la LOPPSI a pour conséquence directe de doter l'exécutif d'un pouvoir de suppression des informations circulant sur Internet. De manière totalement hypocrite, le gouvernement prétend lutter contre la pédopornographie, objectif pour lequel le filtrage est à la fois inefficace et totalement disproportionné, notamment en raison du risque de censure collatérale de sites parfaitement licites2. Le risque est grand de voir un tel dispositif étendu à d'autres domaines.

« Cette décision sur l'article 4 est une grande déception. Il est évident que la censure d'Internet ne résoudra rien à la pédopornographie, comme en témoignent les expériences menées à l'étranger3. Après les mesures de suspension de l'accès à Internet de la loi HADOPI, les appels à l'interdiction de l'hébergement de WikiLeaks et les discours contraires à la neutralité du Net, la France glisse un peu plus dans le camp des pays hostiles à l'Internet libre en instaurant la censure administrative du Net », déclare Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net.

« Il est regrettable que le Conseil constitutionnel n'ait pas approfondi sa jurisprudence HADOPI en consacrant le rôle de l'autorité judiciaire pour contrôler toute restriction à la liberté de communication sur Internet. Il se pourrait cependant que la solution vienne de l'Europe : le Parlement européen cherche en effet à encadrer strictement les mesures de filtrage mises en œuvre au niveau national, ce qui pourrait faire obstacle à l'application de l'article 4 de la LOPPSI4. D'autre part, le filtrage administratif du Net semble contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme5, et on peut s'attendre à un recours dans ce sens. » conclut Félix Tréguer, chargé des affaires juridiques et institutionnelles de l'organisation citoyenne.